Iran : l’incrimination du droit de manifester

Il y a des combats que l’on pensait gagnés depuis longtemps. Pourtant, la réalité nous rappelle plus que jamais la fragilité de nos victoires.

Le 16 septembre 2022, Mahsa Amini, étudiante iranienne de 22 ans, s’éteint à l’hôpital. Trois jours plus tôt, elle était arrêtée par la police des mœurs à Téhéran. Les autorités iraniennes nient toute responsabilité tandis que de nombreux témoins attestent d’un véritable passage à tabac de la jeune femme par des policiers lors de son arrestation. Son crime, ne pas avoir correctement couvert ses cheveux. L’annonce de sa mort, entraîne alors de nombreuses protestations en Iran. Ainsi, sonnait le début de la nouvelle révolution.

Quatre mois plus tard, la situation semble empirer. Chaque jour des familles éplorées apprennent la condamnation à mort d’un de leurs proches, prononcée à l’issue d’un simulacre de procès. Une défense muselée. Au mieux avec un avocat silencieux choisi par le gouvernement. Au pire, sans. Voilà ce que la justice iranienne a de mieux à nous offrir : « des procès expéditifs ». La situation est plus qu’inquiétante. L’Organisation des Nations Unies accuse l’Iran d’utiliser la peine de mort pour dissuader les manifestants.

Volker Türk, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme,  l’objectif de ces procédures pénales et de la peine de mort est de semer la peur dans la population iranienne, éradiquer toute dissidence. Il déclare dans un communiqué « L’utilisation comme arme des procédures pénales pour punir les personnes qui exercent leurs droits fondamentaux, comme ceux qui participent ou organisent les manifestations, confine au meurtre d’État ».

En droit, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, ratifié par l’Iran en 1975, pose le principe selon lequel « le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie »1. Toutefois, « dans les pays où la peine de mort n’a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves, conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis et qui ne doit pas être en contradiction avec les dispositions du présent Pacte ni avec la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Cette peine ne peut être appliquée qu’en vertu d’un jugement définitif rendu par un tribunal compétent »2.

Il est intéressant de noter que l’exception prévue par le texte international est spécifiquement circonscrite aux infractions les plus graves. Or, en Iran, loin d’être l’ultima ratio, la peine de mort constitue davantage la caution légale de l’exercice étatique du monopole de la vengeance. Car en effet, ces dernières semaines, la sentence capitale était prononcée à l’encontre de ceux qui protestent contre le régime en place. Ces condamnations interviennent pour la plupart à l’issue de séances de torture visant à obtenir les aveux de jeunes hommes présumés coupables, du seul fait de leur présence à une manifestation. 

Au micro de France Inter, un juriste iranien, souhaitant conserver l’anonymat, précise que « la République islamique ne respecte même pas sa propre loi. Les dispositions du code pénal islamique et les dispositions du code de procédure pénale en Iran ne sont pas respectées, parce que ce sont des aveux qui sont obtenus sous la contrainte puis diffusés lors des journaux télévisés ou dans le cadre de documentaires à la télé »3.  Cette publicité des procès allant jusqu’à la diffusion des images dans les foyers servirait au gouvernement iranien à dissuader celles et ceux qui voudraient remettre en question sa légitimité.

Selon l’ONG Iran Human Rights, le gouvernement a procédé à 55 exécutions pendant les 26 premiers jours de l’année 2023.

Alors que le pays célébrait le 44ème anniversaire de sa révolution le samedi 11 février, le gouvernement iranien s’assure une longévité bâtie sur le sang de ceux qui, espèrant un peu de liberté, s’indignent. 

Zeneïb Daoud et Caroline Dagand
Membres de l’ADHS


1Pacte international des droits civils et politiques, art. 6§1

2Pacte international des droits civils et politiques, art. 6§2

3Valérie CROVA, Exécutions en Iran : dans les tribunaux révolutionnaires du régime, un simulacre de justice, France Inter

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