De nouvelles intoxications ont vu le jour dans des écoles pour filles en Iran : qu’est-ce qu’on sait et pourquoi cela est-il inquiétant? On vous explique tout !
Partout où les femmes s’indignent, elles finissent par terroriser le conservatisme. En raison de leur volonté instinctive de liberté, elles représentent, encore, pour certains, un danger qui ne saurait être endigué que par la violence.
Telle est la méthode que s’entêtent à appliquer quelques uns en Iran. Depuis la mort de Mahsa Amini, dont le seul crime était de ne pas avoir correctement couvert ses cheveux, les femmes portent et animent la nouvelle révolution iranienne. Malgré l’espoir qu’elle produit, celle-ci continue chaque jour d’offrir son lot de tragédies.
En effet, c’est en novembre 2022, dans la ville religieuse de Qom, que s’est déroulé le premier épisode d’une longue vague d’intoxications au gaz. Depuis, des cas similaires sont apparus sur l’ensemble du territoire iranien, notamment dans les villes de Racht, Kermanshah, Machhad, Bandar-e Abbas ou encore Téhéran.
Loin d’être une somme d’actes individuellement perpétrés, les empoisonnements s’inscrivent dans une logique plus globale. En réalité, les victimes ciblées sont systématiquement des jeunes filles scolarisées. Au regard du profil des victimes, certains soupçonnent des groupes extrémistes religieux. Leur but ? Dissuader les jeunes filles d’étudier et in fine fermer les écoles qui leur sont réservées.
Loin d’être naïfs, les auteurs ont cerné le visage de la révolte. Il s’agit du portrait de jeunes filles en feu. Se sont elles qui participent le plus courageusement aux contestations.
À ce jour plus de 5000 écolières venant de 230 établissements scolaires différents ont été victimes, selon la commission parlementaire, par ces empoisonnements. Cependant, aucun chiffre n’a été communiqué quant au nombre d’hospitalisation liés à ces évènements.
Les jeunes filles évoquent l’apparition subite d’une forte odeur « inconnue » et « désagréable » à l’origine de symptômes tels que des nausées, des essoufflements, des maux de têtes et des vertiges, voire des paralysies partielles.
Depuis lors, les parents désemparés et paniqués par la situation refusent d’envoyer leurs filles à l’école. Sur ce point, les auteurs de ces empoisonnements auront au moins eu leur vile consolation. Les journalistes sont quant à eux interdits d’accès dans les hôpitaux, et seuls des vidéos amateurs et témoignages relatent les faits. Ainsi, de nouvelles manifestations ont été organisées pour le droit à l’éducation des jeunes filles comme celle du 4 mars 2023 à Téhéran.
La situation est particulièrement inquiétante de par son ampleur, mais aussi parce que le gaz à l’origine de ces intoxications n’a pour l’heure pas encore été identifié. Selon deux médecins iraniens, il s’agirait cependant d’un gaz peu accessible à tous. Les premiers résultats d’analyses toxicologiques fournis par le ministère de la santé révèlent que le gaz utilisé à Qom contenait du N2, à base d’azote, utilisé dans l’industrie ou comme engrais agricole.
Conséquence des ces vagues d’empoisonnement, les relations entre la population et le pouvoir continuent de se dégrader. Et pour cause, une partie de la population pense qu’il s’agirait, au-delà de simples fanatiques religieux, de groupes chargés d’exercer le pouvoir de représailles du Régime.
De son côté, le pouvoir peine à convaincre la population de sa non implication, et ce malgré le fait que des premières arrestations ont eu lieu les 7 et 8 mars. Le vice-ministre de l’Intérieur, Majid Mirahmadi, a d’ailleurs déclaré que trois des personnes mises en examen avaient « une implication dans les récentes émeutes », faisant référence au mouvement contestataire mentionné plus tôt.
Par un jeu habile, le pouvoir renvoie la faute au mouvement révolutionnaire et à celles et ceux qui le font vivre. Dans son fantasme de régime exempt de tout reproche, le pouvoir en place ne saurait reconnaître une quelconque responsabilité dans ces évènements. Pour autant, en attendait-on moins de la part d’un gouvernement fondé sur l’idée même de vengeance ?
À travers cette situation, on ne peut que souligner l’effarement du gouvernement envers les femmes iraniennes. Pour autant, elles ne cesseront de faire porter leurs voix. Elles ne seront pas oubliés, le combat continue.
Au regard de la vive émotion que ces attaques ont provoqué, la communauté internationale a fini par réagir, puisque l’ONU et l’Allemagne ont exigé une « enquête transparente » et des conclusions publiques.
Tatiana Appadu, Zeïneb Daoud et Caroline Dagand
Membres de l’ADHS
Sources
Le Monde : https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/04/en-iran-nouveaux-cas-inexpliques-d-intoxication-d-ecolieres-dans-cinq-provinces_6164143_3210.html?fbclid=IwAR2jwH1XIJjiW6I7OeDbB3PfxJYGGLN5UVBNfZu4mIKTHOJzkVdW8DnCJBc
France TV Info : https://www.francetvinfo.fr/monde/iran/manifestations/iran-la-revolte-des-parents-apres-les-cas-d-intoxication-de-jeunes-femmes_5700146.html
RFI : https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20230309-iran-les-autorit%C3%A9s-point%C3%A9es-du-doigt-dans-l-affaire-des-empoisonnements-d-%C3%A9coli%C3%A8res