The People versus OJ Simpson est une série américaine mis en ligne sur la plateforme Netflix traitant du procès du célèbre joueur de football américain Orenthal James Simpson.
En 1994, le joueur de football américain, alors à l’apogée de sa carrière, est accusé du double homicide de son ex-femme Nicole Brown Simpson et de son compagnon Ronald Goldman. La série, retrace l’histoire de ce procès historique qualifié de procès du siècle par de nombreux médias américains. Elle met également en lumière la bataille de la procureure Marcia Clark persuadée de la culpabilité de OJ Simpson qui mène un combat professionnel et féministe in a man’s world sexiste. OJ Simpson, quant à lui, est entouré des avocats les plus prisés de l’époque : Robert Kardashian son meilleur ami, Robert Shapiro, et Johnny Cochran.
L’importance du contexte d’un procès : Une affaire raciale
Le dressement du procès d’OJ Simpson en procès du siècle et tout l’engouement autour, n’est que le constat d’un contexte politique et sociologique. En effet, quelques années auparavant, en 1991, suite à une course poursuite pour excès de vitesse, quatre policiers blancs ont usé de la violence pour battre Rodney King, un noir américain.
Il a reçu 56 coups de bâton et 6 coups de pied avant d’être maitrisé et menotter par les policiers. Cette scène a été entièrement filmé par Georges Hallyday de sa fenêtre rendant ainsi l’affaire publique. L’opinion publique est sensibilité et Rodney King, devient le symbole pour la lutte contre les violences policières et les discriminations.
Suite à l’acquittement des quatre policiers blancs, accusés d’usage excessif de la force, par un jury composé de dix blancs, un latino et un asiatique, des émeutes éclatent dans tout le pays prenant naissance dans les quartiers de Los Angeles.
L’acquittement des quatre hommes ne passent absolument pas pour la communauté afro américaine et est vécu profondément comme une injustice. Los Angeles s’emporte, s’enflamme, explose et l’État d’urgence est décrété par les autorités publiques. Puis, les violences se propagent dans plusieurs grandes villes des États Unis menant au chaos.
Ce contexte politico-social n’a pas échappé aux avocats d’OJ Simpson en ce que toute la stratégie de la défense et plus généralement du procès a été basée sur ce qu’ils ont appelé « la carte raciale ». Ainsi, quelques années après le procès des quatre policiers blancs, le procès d’Oj Simpson devient celui de la vengeance. En effet, le jury du procès d’OJ Simpson est à majorité composé de personnes noires.
L’opinion publique et les médias s’emparent de l’affaire avec la scrupuleuse aide des avocats de la défense et en profitent pour mettre de côté les chefs d’accusation et en faire une affaire d’État opposant les noirs aux blancs : La police raciste de Los Angeles contre un homme noir mis en cause.
L’histoire se répète mais cette fois avec la menace des émeutes comme une épée de Damoclès sur le juge, le jury et l’opinion publique.
Le Time avait même titré sa Une « O.J and Race : Will the verdict split America ?” Il n’était plus question du procès d’un homme accusé d’un double homicide mais du procès d’un homme noir contre une police américaine très controversée. La société est divisée : des groupes de soutien défilent. D’un côté les blancs persuadés de la culpabilité de Simpson puis les noirs qui voient dans cette affaire, la manipulation de la justice et de la police pour nuire aux Afro américains. A cet égard, deux tiers des blancs le jugeaient coupable et 60% des Noirs le disaient innocent.
La diffusion du procès à la télévision : L’affaire OJ Simpson ou la première téléréalité de l’histoire
Aux États Unis, les procès filmés sont monnaie courante dans plusieurs États. En effet, des chaines de télévision sont entièrement consacrés à la diffusion des procès. L’autorisation des caméras dans les salles d’audience n’est pas due, elle tient au bon vouloir du juge. Le premier procès a été diffusé en 1959, puis, le procès OJ Simpson a été suivi par près de 100 millions de téléspectateurs. A tel point que l’historien Thomas Snégaroff a déclaré que : « Les médias parlaient de tout et n’importe quoi dans l’affaire, histoire de ne pas perdre l’intérêt du public : on peut en tout cas parler de première scénarisation de la réalité »1.
Aujourd’hui, en France, le garde des sceaux Eric Dupond-Morretti, dans son projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire » propose de filmer puis diffuser les procès à la télévision entre autres pour responsabiliser les juges, sous entendant, qu’un magistrat filmé ferait mieux son travail…
Robert Badinter, son prédécesseur, avait permis de filmer certains grands procès à portée historique pour en permettre l’archivage. Cela a été le cas pour le procès de Klaus Barbie, Maurice Papon, du sang contaminé et récemment, les attentats de 2015.
Le projet de loi a pour but majeur de rétablir la confiance du citoyen et élargir les autorisations des enregistrements des audiences dans un but pédagogique afin que les Français comprennent le fonctionnement de la justice et s’incluent dans les décisions de justice qui sont rendus « au nom du peuple français ».
Cela pose évidemment des questions essentielles quant au droit à l’oubli. En effet, le droit à l’oubli, ou droit à l’oubli numérique, est une notion apparue dans le contexte de la multiplication des données internet.
Par ailleurs, ne pourrais-t-on pas craindre une scénarisation des procès par les avocats ou encore les magistrats ? En effet, dans le procès OJ Simpson, il est important de souligner que des problèmes d’égo entre avocats avaient nui au procès, à certain moment. Les avocats devenaient des célébrités et étaient courtisés médiatiquement pour donner des interviews.
En effet, de nombreuses dérives peuvent apparaitre du fait de la surmédiatisation de certains procès, qui sera inévitable en cas de présence des caméras lors des procès. A cet égard, il convient d’évoquer les atteintes à la présomption d’innocence émanant de l’ensemble des acteurs de la société, notamment les réseaux sociaux. L’article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que : « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. » En effet, les réseaux sociaux sont le nid d’un mécanisme d’amplification hors norme qui, accompagné de l’anonymat portera atteinte au droit fondamental de la présomption d’innocence. De plus, cela pour éventuellement mener au harcèlement des parties et de la défense. Rappelons que dans le procès OJ Simpson la procureure a été harcelée pendant plusieurs mois par les médias sur son physique et sa façon de s’exprimer. Le harcèlement moral subi pourra avoir un impact majeur sur le cours du procès et le biaiser.
Peut-on imaginer des procès commentés à la minute sur les réseaux sociaux comme une série télévisée ? Les droits en jeu sont beaucoup trop précieux pour s’adonner à ce genre de pratique.
Le cas de l’affaire d’Outreau : L’impact tragique des médias
L’affaire d’Outreau est une affaire pénale d’agression sexuelle sur mineurs concernant des faits qui se sont déroulés entre 1997 et 2000. Plusieurs enfants et leurs parents dénoncent un réseau de pédophilie organisé dans la ville d’Outreau dans le Pas-de-Calais. A cet égard, de nombreuses personnes sont mises en garde-à-vue puis en examen.
Au total, dix-huit personnes se retrouvent en détention provisoire. Parmi eux, les parents des principaux enfants accusateurs.
L’instruction conduite par le juge d’instruction Fabrice Burgaux va durer jusqu’en mai 2003.
Pendant deux ans, les enfants sont entendus et ré-entendus par des experts psychologues qui attestent leurs déclarations. Les dix-huit accusés restent donc tous détenus (entre un et trois ans) pendant toute la durée de l’instruction. L’une d’elle va même décéder dans sa cellule d’une overdose de médicaments2.
Après le procès en première instance, en 2005, six personnes font appel. Mais, Myriam Badaoui, l’accusatrice qui avait écrit au juge d’instruction et affirmé l’existence d’un énorme réseau de pédophilie déclare que les six appelants « n’ont strictement rien fait » et qu’elle a menti. Coup de théâtre, le dossier s’effondre devant la France entière ainsi que tous les médias qui scrutaient l’affaire de très près.
En effet, c’est dans un contexte encore fortement marqué par l’affaire Dutroux en Belgique, que la lutte contre la pédocriminalité est apparue comme un enjeu majeur pour les pouvoirs publics.
Cette idée d’une deuxième affaire Dutroux, effraye l’opinion publique et crée une ambiance d’insécurité. Avec cette pression et l’insécurité qui règne, la justice s’emballe et perd ses moyens mettant en lumière des dysfonctionnements au sein du système procédurale français. C’est précisément le cas de l’instruction qui repose sur un seul homme va apparaitre fragilisée, boiteuse, incertaine… A ce sujet, c’est le recours à l’emprisonnement préventif et l’importance qui a été donnée aux experts psychiatriques qui ont beaucoup été critiqué par les juristes, attachés aux droits de la défense.
Le traitement médiatique de cette affaire a bafoué incontestablement la présomption d’innocence, principe fondamental garanti par des multiples textes. Les mis en cause se sont retrouvés lynchés sur la place publique par les journalistes, sans prendre en compte que l’affaire était encore en cours et qu’aucun jugement n’avait eu lieu. Ce problème demeure malheureusement encore trop présent de nos jours voir amplifié avec le développement des réseaux sociaux et la mise en place d’un véritable tribunal médiatique.
L’avocat Gilles-William Goldnadel a déclaré à juste titre : « Le tribunal médiatique anéantit toute sérénité judiciaire »3.
De plus, l’affaire surtout montré une fragilité de l’institution du juge d’instruction, alors seul face à un dossier d’une teneur conséquente. D’ailleurs, Jocelyne Rubantel juge des libertés et de la détention avait déclaré : « Quand 30 à 40 personnes crient sous les fenêtres du tribunal “À mort les pédophiles”, cela complique votre tâche »4.
Cet épisode en France rejoint d’une certaine manière l’affaire d’OJ Simpson concernant le traitement médiatique et spécifiquement la pression exercée sur le juge Lance Ito ainsi que sur la procureure, Marcia Clark, dont tous les faits et gestes étaient commentés par les médias et l’opinion publique.
Waad Mabrouk
Membre de l’ADHS
1 Vanity Fair : https://www.vanityfair.fr/actualites/articles/le-proces-oj-simpson-premiere-tele-realite-de lhistoire/31554
213 eme rue : https://www.13emerue.fr/dossier/laffaire-doutreau