Le 31 décembre marque la fin de l’exposition sur les Femmes photographes de guerre au Musée de la Libération de Paris. Cette exposition nous permet de faire une courte étude sur le rôle décisif de la photographie dans la guerre.
La guerre est un monde masculin. Pourtant, certaines femmes, ont osé accompagner des unités de militaires sur le terrain et documenter la vérité crue des conflits armés. Chaque cliché exposé présente un aspect différent de la guerre : l’impact sur les civils, les blessures des combattants, la destruction, la souffrance… La beauté de la photographie s’illustre lorsque les mots manquent pour décrire des scènes d’une violence brutale.
L’exposition met en lumière huit femmes, qui ont couvert des conflits armés de la guerre civile espagnole jusqu’à la guerre d’Afghanistan. On y retrouve des scènes familières comme les repas ou les jeux d’enfants qui s’effacent derrière un contexte de guerre omniprésent. Les endroits auxquels accèdent ces femmes photographes sont novateurs. Elles interprètent la guerre en plaçant les civils au cœur de la composition. Leur position de femme permet plus facilement de suivre autant une armée régulière qu’un groupe militaire non étatique. Chacune d’entre elles expliquent très bien qu’ils ne se méfient jamais d’une jeune femme photographe. Bien au contraire, particulièrement lors de conflits asymétriques, les groupes armés aiment inviter des photographes pour raconter leur vision du conflit. Certains clichés peuvent tourner à la propagande.

Jabaliya, bande de Gaza, janvier 2009
© Anja Niedringhaus/AP/SIPA
Tout droits réservés, autorisation de l’auteur d’utiliser les photos de l’exposition
La photographie de guerre a un but autant descriptif qu’informatif. Elle peut déplorer les horreurs que l’on connaît déjà ou amener un débat. Entendre parler d’un conflit et le voir n’a pas le même impact sur l’opinion publique. Il n’y a pas besoin d’avoir des connaissances poussées en géopolitique pour comprendre une photographie. Tout comme il n’y a pas besoin de savoir qui s’affronte et pour quelle raison : on le ressent. La spontanéité d’une photographie a une capacité intense de transmission des émotions qui se prête tout particulièrement à la thématique de guerre. Toutefois, loin d’être seulement dans le pathos, la photographie de guerre rend visible les conflits armés et toutes les situations qui en découlent. En 1944-1945, Lee Miller couvre le conflit pour Vogue en étant accréditée par l’armée américaine. Elle y montre l’interrogatoire d’une Française tondue pour avoir fréquenté des Allemands. Lors de la guerre du Cambodge, le cliché de Françoise Demulder, Entraînement d’enfants soldats dans l’armée du gouvernement de Lon Nol, choque fortement l’opinion publique et interroge sur le cas des enfants soldats. Ou encore, quand Carolyn Cole photographie en vue plongeante des irakiens menottés, par l’armée américaine, faces contre terre. Nous sommes en 2004 lorsqu’ Anja Niedringhaus prend en photo des Marines américains qui enfilent des sacs sur la tête de détenus irakiens, alors même que cette pratique est interdite.

du gouvernement de Lon Nol
Cambodge, février 1974
©Françoise Demulder / Roger-Viollet
Tout droits réservés, autorisation de l’auteur d’utiliser les photos de l’exposition

Koufa, Irak, août 2004
© Carolyn Cole / Los Angeles Times
Tout droits réservés, autorisation de l’auteur d’utiliser les photos de l’exposition
Ces images nous forcent à nous questionner sur la nécessité d’une guerre en comparaison aux dommages qu’elle cause. La photographie de guerre joue un rôle d’intérêt général. Les images de guerre viennent croiser le droit international humanitaire lorsqu’elles dénoncent les pratiques illégales employées par les États.

Bagdad, Irak, novembre 2004
© Anja Niedringhaus/AP/SIPA
Tout droits réservés, autorisation de l’auteur d’utiliser les photos de l’exposition
Enfin, la photographie est un outil pour décrypter l’Histoire. Elle permet de mieux comprendre l’évolution et la manière dont on fait la guerre. Les conflits deviennent de moins en moins internationalisés, l’armement se perfectionne et l’asymétrie est flagrante entre les belligérants. Beaucoup de photographies font transparaître cette inégalité qui oppose armées officielles traditionnelles et combattants peu équipés. Tous ces clichés permettent de perpétuer le devoir de mémoire. Alors qu’une photographie est figée dans le temps, son interprétation varie en fonction du spectateur et de l’époque. En ce sens, l’exposition du Musée de la Libération joue son rôle historique à merveille et apporte au visiteur des clés pour comprendre ces conflits contemporains.

Beyrouth, Liban, 1983
© Françoise Demulder / Roger-Viollet
Tout droits réservés, autorisation de l’auteur d’utiliser les photos de l’exposition

Éthiopie, 30 mai 1991
© Françoise Demulder / Roger-Viollet
Tout droits réservés, autorisation de l’auteur d’utiliser les photos de l’exposition
Retrouvez l’exposition “Femmes photographes de guerre” jusqu’au 31 décembre 2022 au Musée de la Libération de Paris (4 Avenue du Colonel Henri Rol-Tanguy, 75014, Paris). N’hésitez pas à aller voir l’exposition !
Élodie Parals-Eloir, membre de l’ADHS