À partir du XIXème siècle, une sorte de tradition française de l’emprisonnement s’est mise en place progressivement. Les juges ont pris l’habitude de considérer la prison comme la réponse privilégiée à un large panel de situations.
Or, ce recours quasi systématique à l’emprisonnement a pour conséquence directe d’aggraver la surpopulation carcérale. En effet, au 1er avril 2016, 68 361 personnes étaient incarcérées pour 54 118 places, soit un taux d’occupation de 124%.
Afin de résoudre ce problème, les politiques publiques ont investi plus de 2 milliards d’euros afin d’augmenter le nombre de places en prison. Mesure vaine, car parallèlement à cette hausse, le nombre de prisonniers augmentait de même. Ainsi, la surpopulation carcérale demeurait un problème.
En effet, il est bien difficile de changer les vieilles habitudes. Entre 2002 et 2012, pas moins de 29 nouvelles lois pénales ont été adoptées afin d’assortir des infractions à une peine de prison (racolage passif, mendicité agressive, occupation en réunion de hall d’immeuble, vente à la sauvette, …).
Prison ferme et récidive
Cependant, contrairement à une croyance populaire répandue, un système essentiellement punitif peut difficilement prétendre pouvoir dissuader la récidive. Au contraire, selon l’Observatoire International des Prisons, 63% des détenus ayant purgé une condamnation de prison ferme ont réitéré, contre 39% ayant bénéficié d’une libération conditionnelle. Ce taux anormalement élevé témoigne ainsi d’une faille dans le système carcéral actuel, mais également de l’incapacité de l’administration pénitentiaire à remplir ses objectifs .
En effet, la mission de cette dernière ne se cantonne pas uniquement à la garde des détenus comme on le pense souvent. Elle s’étend en plus de cela à la prévention de la récidive et à contribuer à l’insertion ou à la réinsertion des prisonniers.
Le nombre de prisonniers étant anormalement haut, l’accompagnement dont ils devraient pouvoir bénéficier en théorie, à la fois à l’intérieur et à la sortie de la prison, perd alors de son efficacité. Chaque agent d’insertion et de probation se voit en effet confier environ 100 dossiers, bien loin des 40 dossiers par agent préconisés par le Conseil de l’Europe.
Outre l’accompagnement à la réinsertion, purger une peine de prison ferme entraîne une coupure entre le monde réel et le détenu, souvent aggravée par les conditions de détention (« isolement affectif, promiscuité, hygiène défaillante, inactivité, violence et tensions, etc » – Observatoire International des Prisons).
« La récidive est toujours moindre après des sanctions non carcérales » – Le Ministère de la Justice
Les solutions alternatives
De nombreuses solutions alternatives, n’impliquant pas de prison ferme, existent. Parmi elles, les travaux d’intérêts généraux, le bracelet électronique ou encore le sursis avec mise à l’épreuve sont mises à la disposition du juge d’application des peines – qui a le pouvoir d’aménager certaines peines.
Or, en 2012, encore 96% des condamnations étaient inférieures à 2 ans donc potentiellement aménageables hors des prisons. Ainsi, la loi du 23 mars 2019 vise indéniablement à dissuader les juges de prononcer des peines de prisons fermes. Elle dispose en effet que « toute peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate. »
Cependant, au sein même des prisons, de nouveaux modes de détention sont utilisés et ont déjà fait leur preuve.
Ainsi, la maison d’arrêt de Mont de Marsan teste depuis 2015 un « module respect », sur le modèle allemand. Ce programme vise à responsabiliser les détenus qui retrouvent par la même occasion leur dignité. Ceux-ci retrouvent une certaine liberté de mouvement, ainsi que d’une intimité relative. Innovation en France, les prisonniers ont en effet la clé de leur cellule. Cependant, les détenus sont véritablement confrontés à une leçon de vie, car plus de droits amènent également plus d’obligations : réveil à 7h du matin, plus de fouilles, lit au carré, un travail obligatoire.
Il est important de noter cependant, que les personnes dont le degré de dangerosité est élevé sont systématiquement écartés de ce programme. De plus, ils font face à une tolérance zéro pour tout ce qui est relatif à la violence – verbale et d’autant plus physique.
En plus de ces mesures, la prison de Schwalmstadt en Allemagne a également instauré en son sein des « programmes thérapeutiques » de différentes sortes, visant à traiter leurs addictions par exemple. Cependant, leur programme le plus notable est celui ayant pour objectif de réhabiliter en modifiant le comportement des détenus. Il s’agit en effet d’une psychothérapie intensive sur la base du volontariat afin de resocialiser ces individus.
Il se caractérise par un exercice particulier nommé « la sellette ». Le prisonnier du jour se place sur une chaise au centre d’un cercle, entourés par ses codétenus. Il raconte alors son crime, devant répondre à toutes les questions de ses camarades sur celui-ci.
À titre d’illustration, il est possible de citer un extrait de conversations : « Et les victimes alors ? Tu y as pensé ? » ; « Tu l’as vraiment frappé devant tes propres enfants ? ». À la différence d’un entretien avec un agent de la justice, il se retrouve alors confronté à son crime devant ses pairs, ce qui peut créer chez lui un déclic difficile à avoir autrement.
Bien que ces programmes soient une réelle avancée pour le monde carcéral, de nombreux progrès sont encore à réaliser. La surpopulation carcérale constitue toujours un obstacle à un suivi personnalisé effectif, permettant une réinsertion optimisée. L’accompagnement des détenus sortant vers un retour à la vie normale est en effet une priorité pour une société apaisée, et une diminution progressive de la criminalité.
Mélodie Ramanisum, membre de l’ADHS
Sources
Quelles alternatives à la prison pour les condamnés ? , France 24
Réinsertion : des prisons pas comme les autres, France 24
Reportage, Arte, Au cœur des prisons françaises
Réforme pénale : à quoi ressemblera une « une peine de probation » ?, Solène Cordier, Le Monde
La Prison permet-elle de prévenir la récidive, OIP