Semaine internationale des droits des femmes
10 mars 2020

A une époque où l’humanité est parvenue à conquérir l’espace, la femme demeure l’objet d’une grande incompréhension, de mystères, de tabous. Mais quels sont ces sujets dissimulés ? Parlons « règles » ! Ou plutôt « ragnagna », « indisposition », ou encore de cette période sombre appelée « les anglais débarquent » pour essayer de contourner ce mot tabou. En effet, cette période naturelle du cycle d’une femme est entourée de croyances religieuses et traditionnelles, de préjugés et de fausses informations.
Encore dans de nombreux pays, les menstruations sont une impureté, un synonyme de mise à l’écart ainsi qu’un facteur important de déscolarisation. Au Népal par exemple, la tradition d’origine hindouiste du Chaupadi (« intouchable ») consiste à exclure les femmes de la société pendant leurs règles. Le sang des femmes, considéré comme impur, amène les personnes de leur entourage à les considérer comme des « intouchables ».
En effet, une femme est bannie une première fois de son foyer pendant 13 jours lors de ses premières menstruations, puis 7 jours lors de ses deuxièmes règles et enfin 4 jours pour tous les cycles suivant jusqu’à sa ménopause. Ces femmes étant exclues de leur entourage sont seules et isolées dans des cabanes en terre, des « goths », des huttes au toit de chaume situées à plus de 20 mètres du logement familial. Par conséquent, elles ne peuvent ni aller à l’école, ni travailler, ni rester dans leurs maisons ! Cette tradition, dénoncée par de nombreuses associations comme étant une violation des droits humains, a été interdite par la Cour Suprême Népalaise en 2005 et fait l’objet de sanctions par la loi nationale. Toutefois, la pratique continue à être appliquée, comme l’illustre un rapport du gouvernement népalais indiquant qu’en 2010, près de 20% des népalaises ayant leur règles étaient encore victimes du chaupadi. En Afrique, plus précisément dans les communes d’Adjarra, d’Avrankou et de Porto Novo (Bénin), la Fondation Claudine Talon a réalisé une enquête en 2017 sur la gestion de l’hygiène des menstrues en milieu scolaire : environ 15,2% des filles manquent les classes à cause de leurs règles !
Le tabou autour des règles existe de la même manière en Occident, comme l’illustrent l’euphémisation dont elles font l’objet au sein des publicités. En effet, à voir le bonheur dans lequel semblent nager les actrices ou le liquide bleu remplaçant le sang menstruel, on pourrait se demander si les réalisateurs veulent nous faire croire que les femmes sont en réalité des schtroumpfs ou s’ils se moquent simplement de nous.
De même, les diktats et les codes de la beauté féminine continuent à guider les choix de nombreuses femmes et notamment quant à leur pilosité. Bien que les poils soient naturels, nous sommes constamment soumis à des représentations de la femme sans poils et à l’hégémonie des produits d’épilation. D’autant plus que cette pratique présente en réalité de nombreux inconvénients (perte de temps et d’argent, douleurs, problèmes de peaux…).Celles qui font le choix de ne plus s’épiler font souvent l’objet de vives critiques et d’un rejet de la société. Pour autant, de plus en plus de femmes décident d’exposer leur pilosité en public et sur les réseaux sociaux. Des personnalités telles que Julia Roberts, Emma Watson ou bien Lady Gaga choisissent ainsi d’assumer leurs corps. Bien que ces célébrités influencent grandement le public et les nouvelles générations, on peut se demander si cela sera suffisant pour renverser la tendance majoritaire et faire évoluer les mentalités.
Enfin, le corps de la femme fait l’objet d’une représentation fantasmée par les réseaux sociaux, la publicité ou la mode, où une certaine vision de la féminité est mise en avant. Hors de question de choquer le lecteur (au masculin) en affichant bourrelets ou cellulite ! L’émergence d’Instagram a par ailleurs contribué à ce mythe comme l’a illustré en 2014 le scandale autour de Samm Newman. Cette jeune femme, militante américaine de la “fat acceptance”, qui a posté une photo d’elle en sous-vêtements, tous bourrelets dehors et tout sourire, a vu son post être censuré avant d’être restauré face au tollé suscité.
Paradoxalement, alors que l’on constate une surexposition du corps de la femme, on pose un voile sur son anatomie. A la différence du sexe masculin revendiqué avec fierté, le clitoris doit rester secret, comme l’illustre son apparition dans les manuels scolaires français seulement en 2017. Ainsi, le corps des femmes fait toujours l’objet d’un tabou devant correspondre à des critères précis au sein d’un fantasme hyper-sexualisé. Si certaines marques de vêtements ont banni les mannequins de taille inférieure à 34 (soit la taille moyenne d’une fille de treize ans), le chemin reste long à parcourir pour permettre aux femmes d’accepter leur corps tel qu’il est…
————Le portrait #1 de notre sélection————
Une source d’inspiration quant à la dénonciation de ces tabous se trouve dans l’oeuvre de Zainab Fasiki. Illustratrice, auteure de bandes dessinées mais également ingénieure, Zainab Fasiki est une féministe marocaine militant pour l’abolition des tabous féminins mais également en faveur de la liberté des mœurs et de la sexualité au Maroc.
Elle se définit comme “artiviste” car c’est à travers ses illustrations qu’elle dénonce les contrôles de la société sur le corps féminin. Dans son livre “Hshouma”, elle détaille la culture de la honte et les tabous autour de la sexualité féminine. Elle prône la liberté des femmes, de leurs choix et sensibilise aux questions de l’éducation sexuelle, de la représentation du corps, aux violences et à la discrimination.
À travers ses témoignages, elle rend compte de la pression exercée sur les femmes : par exemple, elle rapporte que les jeunes filles sont empêchées de pratiquer certaines activités comme le vélo ou la gymnastique au risque de perdre leur hymen. Par ailleurs, la langue marocaine, le darija, n’a pas de mots spécifiques pour désigner les organes génitaux féminins. Elle est devenue une icône féministe qui inspire au quotidien de nombreuses femmes par son courage et sa détermination.
Féministement,
Morgane Fanchette, Paul Blutteau, Lou Lachenal et Clémence Amerdeil, membres de l’ADHS