Présentation
Dans le cadre du cycle de conférences diplômant organisé par l’ADHS en partenariat avec La Croix-Rouge, Salomé COHEN est intervenue pour donner à plus de 600 spectateurs via un live Facebook une présentation des enjeux concernant l’environnement et sa protection en cas de conflit armé. De la situation préoccupante aux mesures mises en place, cette conférence a permis de prendre conscience des enjeux et de répondre à de nombreuses questions sur de possibles solutions.

Compte-rendu
L’environnement reste une victime silencieuse des conflits armés (CA).
Certains disent que cela s’explique par le fait qu’en période de CA, les priorités sont toutes autres. On peut entendre cet argument mais l’urgence ne peut, toutefois, pas empêcher tous les questionnements nécessaires lors d’une crise.
Les conséquences sur l’environnement ont un effet à long terme.
Ex : Syrie – accès à l’eau potable / raffineries bombardées ⇒ accumulation des déchets et contaminations des eaux.
CONVENTION ENMOD (Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles) – 1977
⇒ Protection spécifique à l’environnement
- Guerre Viêt-Nam 1955-1975 :
- Opération agent orange : intervention des USA aux alentours de 1962. Ils vont répandre de l’herbicide toxique “agent orange” sur les forêts du nord du Viêt-Nam pour atteindre les combattants qui s’y cachent.
Certes, l’objectif militaire est atteint mais qu’en est-il de l’environnement ?
- Opération POPEYE : l’ensemencement des nuages est utilisé dans un but militaire pour que les routes soient inondées, et ainsi ralentir les ennemis dans leur progression. Ils répandent des quantités d’iodure d’argent (toxique pour les océans).
L’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la Convention ENMOD en 1976 (entrée en vigueur en 1978).
Il faut se remettre dans le contexte de l’époque où l’environnement n’est pas la priorité.
A ce jour, 78 Etats parties (la France n’est pas partie !)
⇒ La Convention interdit d’utiliser des techniques artificielles qui modifient l’environnement.
Lacunes de la Convention :
- Couvre uniquement les conflits armés internationaux (CAI). Or, à ce jour, les principaux conflits sont non-internationaux.
- Uniquement lorsque les dommages s’appliquent sur un Etat partie.
- Dommages durables (?) grave, étendu (critères alternatifs mais peu clairs). D’ailleurs, même l’accord interprétatif ne suffit pas à éclairer ces termes (imprécis et termes non-juridiques)
⇒ Ces limites montrent aussi la frilosité des Etats à s’engager.
La Convention prévoyait une réunion entre les Etats parties tous les 5 ans (facteur qui rend frileux les Etats).
- Guerre du Golf (Invasion du KOWEÏT par l’armée irakienne) : Les troupes de Saddam détruisent un pétrolier ⇒ conduit à la plus grande marée noire de l’histoire
Février 1991 : embrassement de 630 puits de pétrole
Novembre 1991 : maîtrise des derniers puits en feu
!!! La Convention ne s’applique pas dans cet exemple car même si le Koweït est partie à la Convention, ce n’est pas le cas de l’Irak !
Dans tous les cas, même si la Convention était applicable, il est à noter que la marée noire – même délibérée (comme arme de guerre) – ne consiste pas en une modification de l’environnement. La marée noire est une conséquence de l’attaque.
Le bombardement n’ aurait pas non plus conduit à une violation car l’extraction du pétrole n’est pas un processus naturel. Or, la Convention n’interdit que la manipulation naturelle.
PA I (Protocole additionnel aux CG – 1977) – art. 35 §3 et art. 55
1ère critique ⇒ Ces deux dispositions ne s’appliquent qu’en CAI ! // Convention ENMOD
Différences avec la Convention ENMOD :
- Il faut retenir que le PA I n’a pas le même objectif que la Convention ENMOD (interdire l’ utilisation et la modification de l’ environnement comme arme de guerre), l’objectif du PA I est de protéger l’environnement en lui-même.
Définition de l’objectif militaire : objectif qui par sa nature, son emplacement, sa destination apporte une contribution effective à l’action d’une partie belligérante.
Ex: Un hôpital vidé de ses malades et utilisé comme planque par des forces armées ⇒ devient une cible légitime.
- Le PA I pose l’interdiction des méthodes et moyens de guerre qui causeront des dommages étendus durables et graves.
On a donc des critères cumulatifs ( Différence ENMOD – critères alternatifs)
Toutefois, tout comme pour la Convention ENMOD, les commentaires du PA quant à ce qu’il y a lieu d’entendre par “étendus, durables et graves” ne sont pas clairs ! En outre, les commentaires donnent des définitions différentes de celles données pour l’ENMOD.
On se centre, ici, sur la protection des populations dont la survie et la sécurité sont compromises par le conflit.
Le DIH Coutumier – Règles 43 44 45
Les règles du droit international coutumier sont applicables à tous les Etats et donc aussi au groupes armés non étatiques.
Règle 43 : Le droit coutumier impose les PG dans la conduite des hostilités envers l’environnement
Règle 44 : Les méthodes et moyens de guerre doivent être utilisés en tenant compte de la préservation de l’environnement.
(différence : les moyens sont les armes / les méthodes : la manière dont on se sert des armes ainsi que le reste des stratégies militaires).
Règle 45 : dommages étendus durables et graves
Malheureusement, pas de définition plus précise de ces termes.
Réglementation des moyens de guerre
Les Etats ne peuvent pas utiliser les armes de manière illimitée et non réglementée.
Il y a des traités qui interdisent et d’autres qui encadrent l’utilisation : le but 1er n’est pas la protection de l’environnement mais ces traités sont un véritable allié.
- Arme nucléaire : menace n°1 – l’environnement ne pourrait pas s’en remettre.
On pense à Hiroshima et Nagasaki 6 et 9 août 1945.
Avec la bombe nucléaire, les critères sont remplis sans problème.
Le DIH est là pour que l’avantage militaire ne prenne pas le pas.
Les Etats restent très réticents à appliquer le DIH lorsqu’ils ont trait à la bombe nucléaire (on pense aux puissances nucléaires).
ex : France, USA et UK reconnaissent la règle 45 sauf en ce qui concerne la bombe nucléaire.
TIAN : interdiction l’utilisation, le développement, le stockage et la menace de l’arme nucléaire. 50 Etats ont ratifié.
Répression des atteintes environnementales
- Reconnue pour la 1e fois en 1945 – procès de Nuremberg – reconnaissance de l’existence d’un crime uniquement environnemental – cas où une exploitation dépasse ce qui est nécessaire pour assurer la production en bois du pays et dépasse le principe de proportionnalité.
Les principes utilisés sont très basiques à l’époque.
- Trib ad hoc auraient dû avoir un rôle à jouer dans l’évolution de l’incrimination de l’environnement. Mais il n’y a rien au TPIR, ni au TPIY (alors que le procureur l’ avait demandé (rappel bombardements kosovo) et voulait enquêter sur ces bombardements mais cela lui a été refusé)
- CPI : semble être la plus à même pour réprimer les crimes d’environnement.
le Statut de Rome fait référence à l’article 8, 2, b), iv)
“comp à l’égard des attaques délibérées (…)
⇒ résumé de tout ce qu’on a vu !
Critères cumulatifs : étendu, durables et graves – critères restent imprécis et ne sont pas non plus clarifiés.
Le Statut va, toutefois, plus loin car requiert l’intention de l’auteur du dommage.
- outrepasser le principe de précaution et de proportionnalité
Notez que la Procureure a fait, en 2016, une déclaration précisant que les crimes faits à l’environnement seraient poursuivis !
- Effets indirects de la guerre sur l’environnement
ex : guerre du mozambique
– parc national a été énormément atteint
– déplacement de population est également l’un des effets indirects : le problème est qu’on y est pas préparé et donc on va construire des camps, lesquels vont eux-même porter atteinte à l’environnement (déforestation)
- Détérioration des infrastructures
ex : Guerre du Yémen (depuis 2014)
On a un super-pétrolier qui végète sur les côtes – menace d’une marée noire la plus dangereuse de l’histoire. Le pétrole est en train de se vider dans la mer rouge mais la communauté internationale ne semble pas y prêter attention.