Il y a 50 ans, 9 femmes ont tenté de déposer des fleurs sur la tombe du Soldat inconnu, le 26 août 1970, à Paris. Elles voulaient rendre hommage à toutes les femmes, qui ont travaillé dans les usines et les champs, lors de la 1ère Guerre mondiale, contribuant à grande échelle, à la vie économique et sociale à la sortie de la guerre. Les manifestantes estimaient que ces femmes, n’avaient pas reçu les remerciements qui leur étaient dûs et expriment leur pensée par le biais d’une banderole sur laquelle on peut lire « Il y a encore plus inconnu que le Soldat inconnu, sa femme ». Ainsi, cette action créa le mythe de « la femme du Soldat inconnu ». Ce mouvement, qui a très vite été stoppé par les policiers, a marqué le début du mouvement de libération des femmes.
Chacun a des droits fondamentaux, qui doivent être respectés. De manière large, cela peut comprendre, par exemple, le droit à ne pas subir de violences, ni de discrimination, le droit au meilleur état de santé physique et mental, le droit à l’éducation, le droit à la propriété, le droit de circuler, le droit de vote, le droit à un salaire égal à travail égal. Or, force est de constater que le respect des droits des femmes n’est pas toujours effectif. Comme le prouvera le mouvement #MeToo, ainsi que de nombreuses études, les discriminations et violences à l’égard des femmes sont encore largement répandues. Par ailleurs, selon France-parrainages, il y a encore 131 millions de filles dans le monde qui ne sont pas scolarisées. Suite à un constat récent d’Eurostat, les femmes gagnent actuellement environ 77% du salaire des hommes à travail égal en France, et 80% dans le monde.
Depuis de nombreuses années, les mouvements de défense des droits des femmes luttent contre ces inégalités, par le biais de campagnes ou de manifestations afin d’exiger le respect de certains droits. Le droit de vote n’a été reconnu aux femmes qu’en 1928 au Royaume-Uni sous l’impulsion des Suffragettes et seulement en 1944 en France. Le droit à l’avortement est encore interdit ou fortement restreint dans plusieurs pays. De nombreuses manifestations récentes ont eu pour objet de défendre la liberté des femmes à disposer de leur corps, telles que les protestations dans les rues de Pologne et d’Argentine visant à protéger ou faire reconnaitre le droit à l’avortement. En Arabie Saoudite, les femmes n’ont l’autorisation de conduire que depuis 2018!
La reconnaissance des droits des femmes est un combat de tous les jours. Ainsi, cet article vise à retracer l’histoire de certains mouvements sociaux contribuant à défendre et à promouvoir les droits des femmes afin de mieux comprendre les enjeux de la lutte pour l’égalité des sexes.
Les mouvements de lutte contre les violences sexuelles et les féminicides
Me Too
Dans la nuit du 14 au 15 octobre, Alyssa Milano, une actrice amériaine, poste un message sur Twitter, incitant les personnes ayant subi une agression sexuelle ou un viol, à partager leur vécu, avec l’hashtag #MeToo, marquant le début du mouvement #MeToo.
Le hashtag a été créé en 2006, par Tarana Burke, une travailleuse sociale qui a lancé une campagne de soutien aux victimes d’agressions dans les quartiers défavorisés. Mais le mouvement n’a pas pris d’ampleur à l’échelle internationale jusqu’en 2017.
Tout commence le 5 octobre 2017 ; date à laquelle le journal américain, New York Times, a publié un article révélant les agressions sexuelles d’Harvey Weinstein ; un producteur et réalisateur américain. Selon la liste publiée par l’actrice Asia Argento, 80 femmes dénoncent Weinstein pour ses actes. De nombreuses actrices telles que Rose McGowan, Léa Seydoux, Lupita Nyong’o annoncent publiquement avoir été agressées par Harvey Weinstein. Une enquête judiciaire s’ouvre contre lui le 30 octobre 2017, le procès débute le 6 janvier 2020, à New York, 2 femmes accusant Harvey Weinstein de viol ont été appelées à témoigner.
Le mouvement #MeToo a apporté une forte médiatisation autour de l’affaire Weinstein, et ce dernier a été condamné en février 2020 à 23 ans de prison. Or, ce mouvement de lutte contre les violences et agressions sexuelles ne s’arrête pas avec #MeToo. Notamment, lors de l’évènement Golden Globes en 2018 qui se déroule aux Etats-Unis tous les ans, de nombreux actrices et acteurs se sont habillés en noir. Le mouvement Times Up avait pour but d’une part d’apporter de la solidarité aux personnes victimes d’agressions sexuelles ou de violences, et d’autre part, de dénoncer les agressions sexuelles répandues au sein du secteur cinématographique.
Par ailleurs, un autre mouvement a récemment débuté en France avec le #MeTooInceste suite à la sortie du livre de Camille Kouschner, intitulé “La Familia Grande”, dénonçant les harcèlements sexuels qui ont lieu au sein de la famille.
Suite aux premières accusations portées contre Weinstein, le mouvement #MeToo est lancé par Alyssa Milano sur twitter, le 14 octobre 2017. Ainsi, plus de 60.000 messages firent échos dans les cinq jours qui suivirent. Des milliers de personnes s’expriment sur Facebook, Instagram, et Twitter pour partager leur passé. Ce mouvement, débutant aux États-Unis, se répand dans 85 autres pays par le biais des expressions tels que ; #BalanceTonPorc en France, lancé par la journaliste Sandra Muller, et #MoiAussi en Québec. En un an, le #MeToo comptabilise 17,2 millions, et #BalanceTonPorc 930.000 tweets.
#MeToo a libéré la parole autour du harcèlement sexuel. En plus d’avoir éveillé les consciences, le mouvement #MeToo a surtout fait surgir un soutien, une solidarité entre toutes ces personnes partageant un passé commun. Le mouvement a permis notamment de rassurer toutes les victimes, en leur faisant savoir qu’elles ne sont pas les seules. « À force de s’amonceler, de s’internationaliser, ces récits nés du « je » solitaire, glissant vers le « moi aussi », et « elle aussi » et une autre encore, finissent par dessiner un « nous », étonnante présence collective, où chacune reste debout près de sa phrase lancée » dira Véronique Nahoum-Grappe; une anthropologue dont les recherches porté principalement sur la différence de sexe.
Il y a eu de nombreuses évolutions à l’égard des droits des femmes suite au mouvement #MeToo. On pense notamment à la légalisation de l’avortement en Argentine le 30 décembre 2020, suite à des manifestations menées par des personnes portant des foulards verts pour exiger du Sénat l’adoption du projet de loi.
Par ailleurs, en France le mouvement #BalanceTonPorc, a conduit à une modification de l’article 222-33 du Code pénal définissant le harcèlement, par la loi n°2018-703 adoptée le 3 août 2018. Aujourd’hui le harcèlement sexuel est défini comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Marlène Schiappa, l’ancienne Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, dans son discours à la chaîne télévision France 2, explique la portée de la loi. Elle précise, en effet, que cette loi demande une forte solidarité au sein des citoyens, car il y aura besoin de témoins, pour que les policiers puissent émettre une amende à l’harceleur, au moment même que l’événement se déroule.
Las Tesis
Un collectif féministe, appelé Las Tesis, est descendu dans les rues de la ville de Valparaiso au Chili, le 18 novembre 2019, pour scander « le violeur c’est toi » en désignant le commissariat des Carabiniers à Valparaiso.
Depuis Novembre 2019, de nombreuses manifestations ont surgi au Chili, contre les inégalités socio-économiques, critiquant notamment la politique menée par le président Sebastian Pinera. Le mouvement « un violeur sur ton chemin », créé par ce collectif féministe s’inscrit dans le cadre de ces manifestations.
« Un violeur sur ton chemin » consiste en une performance ; des femmes de tous âges, qui ont les yeux bandés avec des tissus noirs et portant un foulard vert autour de leurs cous (le foulard vert est devenu un symbole féministe après les manifestations en Argentine pour la légalisation de l’avortement), dansent en citant un poème dédié à tout le monde, qui est responsables de la continuation de violences, agressions sexuelles, et féminicides. En effet, l’une des phrases du poème dit: « Le violeur c’est toi. Ce sont les pacos (police en argot chilien), les juges, l’État, le président. L’État oppresseur est un macho violeur »6. Ces phrases critiquent notamment les gouvernants et le système de justice sur son manque d’action suite aux affaires de viols. Les femmes non seulement luttent contre les violences et agressions sexuelles, mais réclament aussi de bénéficier de meilleurs régimes sociaux, de santé, et de retraite.
La performance filmée est ensuite diffusée sur les réseaux sociaux. Ainsi elle est reprise dans de nombreux pays tels que l’Espagne, le Mexique, et la Turquie. Chaque pays a modifié les paroles du poème suivant leurs luttes contre les inégalités.
Notamment, en Turquie les députées ont chanté à l’Assemblée Nationale, et le poème commence par les mots suivants: « Un juge au patriarcat. Notre faute est d’être une femme ». Le but commun de toutes ces femmes était d’inciter les personnes à prendre action pour lutter contre les violences et agressions sexuelles afin d’y mettre fin.
La portée de ce mouvement a été importante. Au Chili, suite aux nombreuses manifestations sociales en 2019, un référendum a été tenu le 25 octobre 2020 pour demander aux chiliens, s’ils voulaient adopter une nouvelle Constitution. Approuvée par 78% des votes, la Constitution de 1925, qui était entrée en vigueur sous le régime dictatorial de Pinochet, prend fin. Ainsi une assemblée constituante verra le jour, et elle sera composée entièrement de personnes élus. La parité homme-femme est imposée. En effet, il est prévu que 50% des élus de l’assemblée constituante soient des femmes.
Mouvement #challengeaccepted
En Turquie, suite au meurtre de Pinar Gultekin, une étudiante de 27 ans, par son ex-copain Cemal Metin Avci, de nombreuses femmes ont publié leurs photos en noirs et blancs, sur plusieurs réseaux sociaux avec un #challengeaccepted. En effet, ces mouvements critiquent l’inaction gouvernementale pour lutter contre les féminicides s’insèrent dans un cadre bien plus ancien.
En 2012, la Turquie a été l’un des premiers pays à signer la Convention d’Istanbul (Turquie), traité international, adopté par le Comité des Ministres au Conseil de l’Europe le 7 avril 2011. Elle comporte une série de dispositions afin de lutter contre les féminicides et violences sexuelles, ainsi que d’établir une égalité entre hommes et femmes dans tous les cadres de la vie. Tous les États membres du Conseil, sauf la Russie et l’Azerbaïdjan, ont signé cette convention le 11 mai 20119. Malgré la ratification de la Convention le 14 mars 2012 par la Turquie, le taux de féminicides, de violences et d’agressions sexuelles, ne diminue pas. Dernièrement, il y a eu de nombreux débats pour que la Turquie se retire de la Convention.
Le mouvement #challengeaccepted critique les hommes politiques sur leur inaction, ainsi que toutes les personnes qui n’agissent pas sur ces féminicides. En Turquie, de nombreuses femmes meurent tous les jours, et la plupart du temps, elles sont tuées à leur domicile. Selon les rapports de la plateforme de lutte contre les féminicides, il y a eu 300 féminicides en 2020: 97 femmes ont été tuées par leurs maris, 54 par leurs conjoints, 21 par leurs ex-maris, 8 par leurs ex-copains, et 181 de ces femmes dans leurs maisons. Tout ce qu’il reste de ces femmes n’est qu’une photo, en noir et blanc, publiée sur la page Instagram d’une plateforme de lutte contre les féminicides, avec seulement comme description leur âge, nom, prénom, lieu et cause du meurtre.
Malheureusement, seulement 7% des criminels sont condamnés par la justice. La répétition de ces féminicides, conduit au développement d’une véritable cause de malheur au sein des femmes turques. Les femmes sont habituées à se réveiller tous les matins, et regardant une nouvelle fois sur Instagram, la photo en noir et blanc, d’une femme tuée par son mari, ou conjoint, ou fils, ou quiconque. Les femmes turques expriment leurs peurs par le biais de ses photos. Elles ont peur notamment, d’être oubliées au sein des milliers de photos en noir et blancs. Elles ont peur que leurs tueurs, agresseurs, ou violeurs ne soient même pas punis par la justice. Le mouvement #challengeaccepted, fait partie de nombreux mouvements, qui ont tous pour but d’inciter le Gouvernement à ratifier la loi numéro 6284 qui permettrait une protection à tous ceux menacés pour leurs vies.
Le mouvement s’est répandu à une échelle globale, et a été soutenu par de nombreuses femmes. Elle a été médiatisée grâce aux supports de nombreuses actrices tels que Florence Pugh, Reese Witherspoon et Christina Aguilera. Même si le mouvement n’a pas encore abouti aux conséquences souhaitées, les femmes turques ne cessent de continuer leurs luttes contre les féminicides.
Les mouvements de lutte pour la dépénalisation de l’avortement
La contraception et l’avortement sont des garanties permettant aux femmes de disposer librement de leur corps et de leur sexualité.
L’avortement a longtemps été considéré comme un délit réprimé pénalement, parfois passible d’une peine de mort. Dès l’Antiquité et dans toutes les sociétés, des pratiques visant à interrompre des grossesses ont existé mais sont demeurées interdites et clandestines. La première trace écrite trouvée par les historiens remonte au Code d’Hammurabi, datant d’environ 1750 avant JC, qui interdit l’avortement.
Les mouvements féministes se sont multipliés à partir du XXe siècle, revendiquant une plus grande égalité des sexes. Des droits ont progressivement été reconnus aux femmes sous l’impulsion des Suffragettes au Royaume-Uni et du mouvement Women’s Lib aux Etats-Unis. En France, le mouvement de libération des femmes (MLF) est né après les évènements de Mai 1968 afin de proclamer la libre disposition du corps des femmes et de remettre en cause la société patriarcale.
C’est dans un contexte d’interdiction et de répression des interruptions de grossesse mais aussi de montée des revendications tendant à faire évoluer les droits des femmes que des mouvements sociaux sont nés pour lutter pour la reconnaissance d’un droit à l’avortement.
France
Le mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) a été créé en 1973 regroupant des militants du Planning familial, du MLF ainsi que du Groupe information-santé (GIS). Le MLAC a été constitué dans un contexte fort. Le 5 avril 1971, le journal Le Nouvel Observateur publie une pétition portée par 343 signatures de femmes déclarant avoir recouru à l’avortement parmi lesquelles de nombreuses personnalités connues comme Simone de Beauvoir ou Catherine Deneuve. Puis, dans le procès de Bobigny en 1972, une jeune fille mineure est jugée pour avoir avorté après un viol, ainsi que quatre autres femmes dont sa mère, soupçonnées de complicité ou pratique d’avortement. Ce procès extrêmement médiatisé, dont la défense a été assurée par l’avocate Gisèle Halimi, a eu un énorme retentissement et contribua à faire évoluer les positions en faveur de la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
En 1974, Simone Veil, ministre de la Santé sous la présidence de Valery Giscard d’Estaing, prononce un discours historique en faveur de l’IVG aboutissant à la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, dite loi Veil, encadrant la dépénalisation de l’avortement en France. Sur les évolutions qui ont eu lieu après cette loi, vous pouvez vous référer à l’article sur “ Le droit à l’IVG en France” publié sur notre site internet.
Le MLAC a été dissout à la suite de la loi Veil, mais de nombreuses associations luttent encore pour que le droit à l’avortement soit respecté et protégé. En 1990, est créée la coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (CADAC) afin de regrouper des associations, syndicats et partis politiques. En août 2020, une proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement a été déposée devant le Parlement afin de faire suite à un rapport de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale qui recommande de traiter l’avortement comme un « droit effectif ». Ce rapport considère que le droit à l’avortement n’est pas toujours garanti et constate qu’entre 3000 et 5000 femmes par an se rendent à l’étranger pour avorter après avoir dépassé le délai des 12 semaines. En ce sens, la proposition de loi prévoyait notamment un allongement du délai légal pour avoir recours à l’IVG à 14 semaines, la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG, ou encore la pratique des IVG chirurgicales jusqu’à 10 semaines de grossesse par les sages-femmes afin de faire face au manque de praticiens médecins. L’Assemblée nationale a adopté le texte en première lecture avec des modifications en octobre 2020, à l’inverse du Sénat qui l’a rejeté en janvier dernier. L’Assemblée nationale devra alors réexaminer le texte.
Etats-Unis
La Cour suprême a consacré dans l’arrêt Roe C. Wade, rendu le 22 janvier 1973, un droit à l’avortement pour les femmes, rattaché au XIVe amendement de la Constitution qui garantit le droit au respect de la vie privée, rendant par conséquent inconstitutionnelles toutes les lois des États le prohibant. Néanmoins, bien que le principe ait été maintenu, la Cour a approuvé par la suite des restrictions à l’exercice de ce droit, en dépit des manifestations des pro-choice (pro-choix en faveur du droit à l’avortement) opposés aux pro-life (pro-vie anti-avortement). Par exemple, en 1992, dans l’arrêt Planned Parenthood v. Casey, la Cour suprême a reconnu aux États la possibilité de restreindre les modalités d’avortement. Ainsi, plusieurs Etats ont adopté des lois réduisant le champ d’application, exigeant par exemple, une notification parentale. En revanche, les restrictions visant à limiter la période légale d’avortement ont été invalidées par la Cour suprême.
Régulièrement, des manifestants pro-choice protestent contre les projets de lois restreignant l’avortement dans leur Etat. En juin 2020, la Cour a invalidé une loi de de l’Etat de Louisiane très restrictive sur l’avortement. Celle-ci visait à obliger les médecins pratiquant des avortements à obtenir une autorisation d’exercer dans un hôpital situé à moins de 50 kilomètres du lieu d’intervention, ce qui aurait entrainé la fermeture de deux des trois établissements pratiquant des avortements en Louisiane. Plus récemment encore, le 9 mars 2021, l’État de l’Arkansas a adopté une loi interdisant l’avortement en cas de viol ou d’inceste, laissant pour seule exception la possibilité d’avorter en cas de danger grave pour la mère. Le texte devrait entrer en vigueur cet été. Avec cette loi, les pro-life espèrent que la Cour suprême opérera un revirement sur sa jurisprudence de 1973.
n outre, la Cour suprême américaine est souvent critiquée pour sa politisation. En effet, les juges sont nommés par le président en fonction, signe de leur tendance politique. Toutefois, cette affirmation doit être nuancée. D’une part, la nomination doit être approuvée par le Congrès. D’autre part, les juges sont nommés à vie impliquant une grande indépendance. Cependant, force est de constater que le président Donald Trump a profondément remanié la haute juridiction penchant vers le côté conservateur. Après le décès de la juge Ruth Bader Ginsburg qui avait une position libérale et progressiste, sa place a été attribuée en octobre 2020 à Amy Coney Barrett dont la position anti-avortement est connue.
Pologne
L’avortement a été autorisé et gratuit de 1956 à 1993. Preuve que ce droit n’est jamais acquis définitivement, son champ a été nettement réduit depuis 1993. Il n’était désormais autorisé que dans trois circonstances : une grossesse résultant d’un acte illégal (viol, inceste), un risque pour la vie ou la santé de la femme enceinte, ou une malformation grave du fœtus.
La Pologne avait déjà l’une des législations les plus restrictives d’Europe en matière d’avortement. En plus, le tribunal constitutionnel, dans une décision le 22 octobre 2020, a jugé l’avortement anticonstitutionnel en cas de « malformation grave et irréversible du fœtus ou de maladie incurable potentiellement mortelle pour le fœtus » rendant l’accès à l’avortement encore plus restreint.
Les initiatives régulières du parti Droit et Justice au pouvoir tendant à interdire l’avortement, ou du moins le restreindre, ont déclenché des mouvements massifs de protestation au sein de la population et ont été condamnées par des organes internationaux de défense des droits humains et des institutions européennes. Selon Amnesty International, « L’interdiction de l’avortement par la loi ne réduit pas le nombre d’avortements, elle ne fait que nuire à la santé des femmes en les obligeant à y recourir clandestinement ou à aller à l’étranger pour accéder aux soins d’interruption de grossesse.».
Après la décision du tribunal constitutionnel, des mobilisations et des rassemblements massifs se sont tenus plusieurs fois par semaine, notamment à Varsovie où se situe le tribunal et le siège du parti Droit et Justice. Le gouvernement a annoncé que l’arrêt entrerait en vigueur à l’issue de sa publication au Journal officiel, laquelle est intervenue en janvier 2021. Perçue comme une provocation par les manifestants, les rassemblements de masse se sont poursuivis en dépit du contexte sanitaire.
Irlande
L’avortement est autorisé depuis une loi entrée en vigueur au 1er janvier 2019. Auparavant, il était illégal de le pratiquer sauf s’il résultait d’une opération visant à sauver la vie de la mère. Le 25 mai 2018 un référendum abroge l’article constitutionnel qui interdit l’avortement et permet donc au gouvernement de Leo Varadkar de faire voter une loi permettant des IVG jusqu’à la douzième semaine de grossesse.
La légalisation de l’avortement intervient dans un contexte dramatique. En 2012, la mort d’une indienne qui s’est vue refuser l’avortement lors d’une fausse couche dans un hôpital irlandais provoque une vague de manifestations. À l’époque, il est estimé que tous les ans, 4 200 irlandaises se rendent à l’étranger pour pratiquer une IVG. Les organisations internationales ont aussi dénoncé le système juridique irlandais au motif d’une violation des droits fondamentaux.
En 2010, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné le pays pour avoir contraint une femme enceinte qui, malade d’un cancer, craignait que sa grossesse n’aggrave son état, à avorter à l’étranger. En 2015, Amnesty International a publié un rapport qui juge que « des lois restrictives sur l’avortement, y compris celles en Irlande, violent les droits des femmes et des filles à la vie, à la santé, à la vie privée, à la non-discrimination et le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements. ».
Cette avancée majeure doit encore s’accompagner de mesures permettant de faciliter l’accès à l’IVG. Il est encore très difficile pour les Irlandaises de recourir à l’avortement : un an après l’entrée en vigueur de la loi, seul un généraliste sur dix la pratique.
Argentine
Les sénateurs argentins ont adopté, le 30 décembre 2020, un texte légalisant l’avortement. L’Argentine rejoint ainsi Cuba, l’Uruguay, le Guyana, la ville de Mexico et l’Etat mexicain d’Oaxaca, seuls à autoriser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sans condition en Amérique latine.
Jusqu’ici, l’avortement n’était permis qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, en vertu d’une loi de 1921. Selon le gouvernement, sur les 44 millions d’habitants du pays, entre 370 000 et 520 000 avortements clandestins sont pratiqués chaque année dont 38 000 femmes sont hospitalisées pour complications lors de ces avortements.
Le texte avait déjà été adopté par les députés le 11 décembre, mais le Sénat réputé très conservateur était plus difficile à convaincre. Afin de trouver un accord, la loi prévoit la possibilité pour les médecins de faire valoir leur « objection de conscience ». Parallèlement, un autre projet de loi crée une allocation des « 1 000 jours » destinée à soutenir les femmes enceintes pendant leur grossesse et durant les premières années de l’enfant, de façon à réduire les avortements pour raisons économiques.
Les pro-IVG, ralliés autour de la couleur verte, ont mené une campagne intense sur les réseaux sociaux afin que soit reconnu « un avortement légal, sûr et gratuit » et de nombreuses manifestations ont contribué à faire adopter le texte.
Les mouvements de lutte contre les mutilations génitales féminines
L’Organisation des Nations Unies (ONU) a fait du 6 février, la journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines.
Selon l’ONU, « les mutilations génitales féminines (MGF) recouvrent l’ensemble des interventions qui consistent à altérer ou à léser les organes génitaux de la femme pour des raisons non médicales. » Les MGF constituent une violation des droits des femmes et des filles, notamment de leurs droits à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique, ainsi que de leur droit à la vie puisque ces pratiques ont des conséquences mortelles. Les filles qui subissent de telles mutilations font face à des complications à court terme, telles que des douleurs intenses, des saignements excessifs, des infections et des difficultés à uriner, ainsi qu’à des conséquences à plus long terme pour leur santé sexuelle et reproductive et leur santé mentale.
L’ONU s’était saisi pour la première fois du sujet en 1958, alors que ces pratiques étaient encore décrites comme « des opérations rituelles fondées sur la coutume », terminologie reprise par l’OMS un an plus tard (OMS, 1959). Ce n’est qu’à partir du milieu des années 1970, sous l’influence des mouvements féministes, que les conséquences néfastes de ces pratiques sur la santé des femmes et des fillettes sont mises en exergue et que l’excision est rattachée à la question de la représentation féminine et des rapports sociaux entre les sexes. L’excision est considérée comme le pendant de la circoncision masculine alors que les conséquences pour la santé sont très différentes. Elle est justifiée par un impératif de purification nécessaire au mariage et à la procréation, gage de virginité et de fidélité, d’où l’indignation des mouvements de défense des droits des femmes.
Aujourd’hui, la pratique des MGF est principalement concentrée dans 30 pays d’Afrique et du Moyen-Orient, néanmoins, il s’agit bien d’un problème universel car elle persiste également dans certains pays d’Asie, d’Amérique et d’Europe. De nombreux pays qui ont voté une loi interdisant les MGF continuent de les pratiquer.
L’ONU a indiqué vouloir mettre fin aux MGF d’ici 2030. Depuis 2008, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) et l’UNICEF dirigent le plus grand programme mondial visant à accélérer l’élimination des MGF. Le programme se concentre actuellement sur 17 pays d’Afrique et du Moyen-Orient et soutient également des initiatives régionales et mondiales.
L’objectif de l’ONU est néanmoins compromis par la pandémie de la Covid-19. L’UNFPA et l’UNICEF estiment que deux millions de MGF supplémentaires risquent d’être perpétrées dans la prochaine décennie à cause de la Covid-19. En effet, la pandémie oblige la fermeture d’écoles et perturbe les programmes contribuant à protéger les filles de ces pratiques.
La lutte contre les MGF passe par la promotion des droits humains et de l’égalité entre les sexes, par l’éducation sexuelle dès le plus jeune âge, mais aussi par une attention particulière aux besoins des femmes et des filles ayant subi de telles pratiques. Dans cette optique, les associations et les ONG jouent un rôle majeur, mais les progrès naissent également sous l’impulsion des populations, témoins des violences et acteurs et de la lutte pour y mettre fin.
France
La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans l’arrêt du 20 août 1983, a estimé que les MGF sont une mutilation au sens du Code pénal et sont donc un crime relevant de la Cour d’Assises (articles 222-9 et 222-7 du Code pénal). Ainsi, l’excision est bien interdite en France, mais cette tradition ancestrale, inadmissible pour l’intégrité et les droits fondamentaux des femmes et des filles, est pourtant toujours pratiquée. Selon les chiffres du gouvernement en 2019, près de 60 000 femmes excisées vivent actuellement en France. Ces dernières sont principalement originaires du Mali, du Sénégal, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et de la Guinée.
De nombreuses associations se sont mobilisées telle que Excision, parlons-en ! qui a lancé en 2018 une campagne Alerte excision destinée à sensibiliser le jeune public entre 12 et 18 ans. La Fédération nationale GAMS – Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles – est engagée depuis 1982 dans la lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles, et tout particulièrement les MGF, les mariages forcés et/ou précoces, et toutes les pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des filles.
Pour combattre les MGF, Marlène Schiappa a lancé en juin 2019 un plan contre ces pratiques, associant les ONG et associations concernées, ainsi que des gynécologues. Ce plan prévoit notamment de mieux sensibiliser et former les professionnels, d’améliorer la santé des femmes ayant subies une excision et d’agir dans les territoires au plus près des victimes.
Sénégal
En 1999, la loi a pénalisé la pratique de l’excision au Sénégal suite à un lobby intensif d’un groupe de femmes parlementaires à l’Assemblée Nationale. La loi du 5 août 2005, relative à la santé de la reproduction, a précisé le rôle que doivent jouer les services de santé dans la lutte contre cette pratique.
Enfin, l’article 7 de la Constitution prévoit que : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, au libre développement de sa personnalité, à l’intégrité corporelle notamment à la protection contre toutes mutilations physiques. » De plus, le Sénégal a signé et ratifié plusieurs conventions internationales mentionnant l’interdiction des MGF qui ont été annexées dans le chapeau de la Constitution.
Toutefois, il existe un véritable manque d’information de la population sur les textes en vigueur. Ainsi, on estime que 26% des femmes seraient actuellement victimes de mutilations génitales au Sénégal (franceinfo).
Les excisions ont néanmoins reculé grâce à la mobilisation des associations et des ONG sensibilisant la population et notamment les femmes et les filles. Ces dernières se sont elles-mêmes organisées pour lutter contre l’excision mettant en avant les décès réguliers de jeunes filles après que l’excision ait causé une hémorragie.
Toutefois, une augmentation des excisions est apparue depuis la pandémie de la Covid-19. La pratique précède souvent le mariage de jeunes filles dont les chiffres sont en hausse. La crise économique pousse également les exciseuses à proposer leurs services pour gagner de l’argent dans les endroits où la pratique était pourtant en recul. Selon Vision du monde, il y aurait 30% d’augmentation des mariages d’enfants au Sénégal à cause de la pandémie, un recul dramatique après des années de progrès dans la lutte contre les MGF.
Sur cette image, une jeune femme mime le rituel de l’excision, un couteau à la main, lors d’une réunion contre cette pratique à Kolda (Sénégal) en 2002.
République Démocratique du Congo
Denis Mukwege, d’origine congolaise, gynécologue et militant des droits humains, a été surnommé « l’homme qui répare les femmes ».
Il a fondé en 1999 l’hôpital Panzi à Bukavu, où il a découvert de nombreux cas de destruction volontaire et planifiée des organes génitaux des femmes. Il décide alors de prendre en charge gratuitement les femmes victimes de viols et de mutilations génitales et développe ainsi de nouvelles techniques chirurgicales pour soigner les blessures des femmes. Face au nombre croissant de femmes mutilées qu’il rencontre, il décide de mobiliser la communauté internationale sur le recours au viol comme arme de guerre.
Il a reçu de nombreuses distinctions pour son engagement contre les mutilations génitales pratiquées sur les femmes au Congo, dont le prix Sakharov en 2014 et le prix Nobel de la paix en 2018. Il est depuis, une figure internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes, en particulier les mutilations génitales et le recours au viol comme arme de guerre.
Sur ce point, vous pouvez également consulter l’article portant sur “Les femmes face aux violences sexuelles en temps de conflit armé” publié sur notre site internet.
Conclusion
La lutte pour défendre les droits des femmes est encore longue. Selon Amnesty International, « une société ne peut être libre et égalitaire si toutes les personnes qui la composent ne sont pas libres et égales. Tant que les femmes n’auront pas les mêmes droits que les hommes, ces inégalités concerneront tout le monde ».
Sibel Karacan et Clara Rolin, membres du pôle Communication et Journalisme de l’ADHS
Sources
Introduction et Conclusion
Droits des femmes
Les mouvements de lutte contre les violences sexuelles et les féminicides
http://www.humansforwomen.org/le-blog/consequences-du-mouvement-metoo
Je t’aime etc., « Balance ton porc, Weinstein et #MeToo : le bilan – Je t’aime etc. (https://www.youtube.com/watch?v=sdiOPzC9Gzk)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_violeur_sur_ton_chemin
https://www.sciencespo.fr/programme-presage/fr/actualites/el-violador-eres-tu.html
http://kadincinayetlerinidurduracagiz.net/veriler/2949/2020-report-of-we-will-end-femicide-platform
Photos:
https://ww.catlakzemin.com/taciz-ifsalari-himtooculara-inat-yasasin-metoo/
https://news.sky.com/story/times-up-golden-globes-stars-defiant-against-abusers-11199854#
https://www.vox.com/identities/2019/10/4/20852639/me-too-movement-sexual-harassment-law-2019
https://www.haberturk.com/las-tesis-ne-demek-las-tesis-ne-anlama-geliyor-2547671
https://www.hurriyetdailynews.com/women-lawmakers-perform-las-tesis-in-turkish-parliament-149863
Aktivist Kamera, facebook, Pinar Gultekin archives, – with Kalben at Barbaros Meydani (https://www.facebook.com/aktivistkamera/photos/a.1339017149637994/1339018192971223/)
Aktivist Kamera, facebook, Las Tesis archives, (https://www.facebook.com/aktivistkamera/photos/a.1154880484718329/1155048054701572)
Les mouvements de lutte pour la dépénalisation de l’avortement
https://www.cairn.info/le-feminisme–9782130562023-page-77.htm
https://www.20minutes.fr/societe/1278122-20140122-20140122-grandes-dates-droit-a-lavortement-france (+ Photo)
https://www.vie-publique.fr/loi/276586-proposition-de-loi-droit-avortement-allongement-delai-ivg
https://www.amnesty.fr/droits-sexuels/actualites/la-pologne-sattaque-au-droit-a-lavortement
Les mouvements de lutte contre les mutilations génitales féminines
https://www.un.org/fr/observances/female-genital-mutilation-day
https://www.gouvernement.fr/60-000-femmes-excisees-en-france-le-gouvernement-lance-un-plan-contre