Les violences sexuelles ont toujours été monnaie courante au cours des conflits armés et sont souvent considérées comme une conséquence inévitable de la guerre. Elles demeurent un phénomène dévastateur aux conséquences néfastes pour les victimes, que ce soient des femmes, des filles, hommes ou garçons, ainsi que pour leurs familles et des communautés entières. De plus, ces violences restent largement sous-déclarées et sous-estimées en termes de prévalence et de conséquences. La question se pose donc sur ce que le droit international interdit à propos de ces agressions durant des conflits armés. Pour répondre à cette question, la première partie de cet article définira les violences sexuelles dans la communauté internationale (I). La deuxième partie illustrera ces violences sexuelles comme une arme de guerre ainsi que de ses effets durant les Première et Seconde Guerres mondiales, et lors des conflits armés plus récents survenus au Rwanda et en ex-Yougoslavie (II). Enfin, la troisième partie analysera ce que les textes du droit international humanitaire (DIH) disent à propos de ces violences, et aussi leur caractérisation en tant que crimes contre l’humanité et génocide (III).
I. QU’EST-CE QUE LE VIOL ET LES VIOLENCES SEXUELLES
Dans l’affaire Akayesu, la Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a conclu que les violences sexuelles s’entendaient de « tout acte sexuel commis sur la personne d’autrui sous l’empire de la coercition ».[1] L’expression d’ « acte de violence sexuelle » a une portée très large et pourrait comprendre aussi bien la pénétration physique que des remarques à connotation sexuelle. Cette même affaire précise aussi que la « coercition » s’étend de sorte à ne pas se limiter à une démonstration de force physique, mais inclut aussi « [l]es menaces, l’intimidation, le chantage et d’autres formes de violence qui exploitent la peur ou le désarroi ».[2] Ceci signifie que d’après la Chambre de première instance, les violences sexuelles ne se limitent pas seulement à la pénétration physique du corps humain, mais peuvent aussi comporter des actes qui « ne consistent pas dans la pénétration ni même dans des contacts physiques ».[3] La jurisprudence internationale offre des exemples d’actes de violence sexuelle tels que : la traite à des fins d’exploitation sexuelle, la mutilation des organes sexuels, l’exploitation sexuelle, l’avortement forcé, la contraception forcée, l’agression sexuelle, le mariage forcé, le harcèlement sexuel, les inspections pour s’assurer de la virginité et le fait d’obliger une personne à se montrer nue en public.[4] Par exemple, le Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) érige en crimes contre l’humanité le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée et toute autre forme de violence sexuelle.[5]
II. RÉCITS HISTORIQUES ET MODERNES DE LA VIOLENCE SEXUELLE PENDANT LES CONFLITS ARMÉS : UNE ARME DE GUERRE
A. Les violences sexuelles durant la Première Guerre mondiale
À la fin du XIXème siècle, le viol et d’autres violences sexuelles étaient perçus comme une conséquence malheureuse et inévitable dans les conflits armés. Ceci explique pourquoi ces crimes n’étaient pas inclus parmi les actes interdits par les lois de la guerre. En effet, ces violences n’étaient mentionnées qu’indirectement par les Conventions de La Haye de 1899 et 1907, qui exigeaient des armées d’occupation qu’elles respectent « [l]’honneur et les droits de la famille, la vie des individus et la propriété privée » (Article 46).[6] L’existence des violences sexuelles durant la Première Guerre mondiale a pourtant été démontrée, surtout mise en évidence par les différentes commissions créées à cette époque pour enquêter sur les crimes commis par les soldats ennemis. La Commission française créée en septembre 1914 affirme à ce titre que « les agressions contre les femmes et les filles étaient d’une violence sans précédent »[7] et recense ces actes qui ont surtout été commis dans les premiers mois de la guerre, lors des périodes d’invasion et dans les territoires occupés.
Il reste cependant compliqué de caractériser les violences sexuelles dans les conflits armés, la parole des victimes n’étant pas écoutée et le sujet étant trop tabou, et aussi parce que la couverture médiatique et le discours officiel révélaient un nombre de viols inférieur à celui qui se produisait réellement.[8] Par exemple, en août 1914, l’armée allemande arrive en Belgique et les soldats commettent un grand nombre de viols et d’autres agressions sur les civils, un chiffre qui est impossible à estimer et qui est sans doute bien supérieur au petit nombre officiellement enregistré.[9] Sur le front de l’Est, la Russie et les puissances centrales s’accusent mutuellement d’agressions contre la population civile. Des cas de viol ont par exemple été signalés par des réfugiés allemands après l’invasion russe de 1914. En Galicie et en Bucovine, la population juive a aussi été visée par la brutalité des Cosaques, viols qui ont plus tard été révélés par des reportages austro-hongrois.[10] Ces agressions sexuelles étaient souvent commises publiquement, sous le regard forcé de témoins : l’intention des soldats était non seulement de montrer leur pouvoir sur le corps des femmes, mais aussi sur les territoires conquis. De plus, les agressions sexuelles perpétrées par des soldats ennemis en présence de civils de sexe masculin constituaient une humiliation supplémentaire pour les victimes, mais visaient surtout à démontrer l’impuissance de la population civile masculine face à ces crimes.[11]
B. Le développement des violences sexuelles durant la Seconde Guerre mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, les violences sexuelles sont commises par des militaires ou civils qui se livrent massivement au viol de personnes clairement désignées par un trait distinctif, qu’il soit national, ethnique, clanique, idéologique ou religieux.[12] Cette forme systématique d’agression est illustrée par le massacre de Nankin, aussi nommé le viol de Nankin, un événement de la guerre sino-japonaise qui a eu lieu en 1937 après la bataille de Nankin. Le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient estime que 20 000 femmes, dont des petites filles et des femmes âgées, ont été violées par des soldats japonais pénétrant systématiquement dans les maisons, sortant les femmes pour les violer collectivement. Une fois violées, les femmes étaient assassinées ou mutilées.[13] Le viol systématique est aussi commis par les troupes allemandes en territoire soviétique, l’Armée rouge sur les Allemandes durant la campagne d’Allemagne en 1945, et des troupes américaines et françaises sont coupables de crimes similaires. Il est par exemple estimé qu’environ 1,4 million de femmes allemandes ont été violées par des soldats de l’armée rouge.[14] On peut citer le cas précis d’Irene Gut Opdyke, une femme de ménage polonaise qui travaillait pour un officier allemand pendant la guerre et qui cachait ses amis juifs dans le sous-sol de la maison. Lorsque l’officier allemand l’apprend, il promet de garder son secret à la condition qu’elle passe ses nuits avec lui et endure des violences sexuelles pour survivre.[15] On en conclut que ces agressions sexuelles sont courantes dans presque toutes les zones de crise, et ce de manière systématique.
C. La continuité des violences sexuelles dans des conflits armés modernes : viols de masse systématiques
Les atrocités commises au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte de la Shoah ou à l’encontre de l’intégrité des plus vulnérables, auront au moins permis d’éveiller les consciences et de permettre l’élaboration progressive des normes du DIH. En effet, des conventions sont signées et ratifiées pour protéger les civils de crimes tels que le viol ou les agressions sexuelles lors de conflits armés. Cependant, ceci n’aura pas permis d’empêcher la commission de ces agressions dans les conflits armés contemporains. Ce sera le cas au cours de la guerre civile rwandaise de 1990 à 1994 qui culmine en l’un des génocides les plus meurtriers de l’histoire en 1994. Durant ce conflit armé non-international, le viol a systématiquement été utilisé comme une arme redoutable au cœur des tensions entre les Hutus et Tutsis. A la différence des première et seconde guerres mondiales, les violences sexuelles étaient dans ce contexte directement ordonnées par la hiérarchie – des auteurs estiment qu’entre 200 000 et 500 000 de femmes ont été victimes de viol,[16] s’appuyant notamment sur le nombre de grossesses issues des viols subis. Les extrémistes Hutus par exemple ont réuni des centaines de patients en hôpital atteints du VIH pour constituer des « escadrons de viol » dans l’intention de contaminer les victimes et de leur infliger « une mort lente et inexorable ».[17] Ceci mène justement le TPIR à prononcer pour la première fois des condamnations pour viol en tant qu’acte constitutif de génocide.[18]
Ces crimes sexuels ne sont pas isolés et se retrouvent durant la guerre de Bosnie-Herzégovine, un conflit armé international qui débute en avril 1992 avec la proclamation d’indépendance de la Bosnie-Herzégovine et s’achève en décembre 1995 avec les accords de Dayton. Le recours au viol comme arme de guerre et comme stratégie parfaitement préparée est flagrant au cours de ce conflit. De telles attaques visaient donc une portée précise et se sont généralisées.[19] La grande majorité des viols ont été perpétrés par les forces serbes de Bosnie, de l’armée de la Republika Srpska et des unités paramilitaires serbes. Ils utilisent justement le viol comme instrument de terreur et tactique clé, partie intégrante de leur programme de nettoyage ethnique.[20] Les estimations du nombre de femmes bosniaques violées pendant la guerre varient entre 10 000 et 50 000, avec l’estimation supplémentaire que pour un viol signalé, il y avait 15 à 20 cas non signalés.[21] Les forces serbes avaient mis en place des « camps de viol » où les femmes étaient violées à plusieurs reprises et relâchées uniquement lorsqu’elles étaient enceintes.[22] Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) déclare que le « viol systématique » et « l’esclavage sexuel » en temps de guerre étaient constitutifs de crime contre l’humanité.[23] Bien que le TPIY n’ait pas considéré les viols de masse comme un crime de génocide, beaucoup de chercheurs concluent autrement, surtout au regard de la nature organisée et systématique des viols de masse de la population féminine bosniaque.[24] En effet, selon l’ONG Amnesty International, le recours au viol en temps de guerre n’est pas un sous-produit des conflits, mais une stratégie militaire préplanifiée et délibérée.[25] Simone Veil et Anne Warburton, membres de l’équipe d’enquêteurs de la Communauté européenne, signalent aussi que les viols commis par les forces serbes de Bosnie n’étaient pas un effet secondaire du conflit mais plutôt le fruit d’une politique systématique, « perpétré avec l’intention consciente de démoraliser et de terroriser les communautés ».[26]
D. Les conséquences des violences sexuelles durant les conflits armés sur les victimes et la société affectée
Le recours aux violences sexuelles en temps de guerre présente des conséquences à long terme sur les victimes et sur la société concernée. En effet, les victimes subissent des conséquences physiques et mentales, même après la fin du conflit puisque de nombreuses sociétés rejettent et excluent les femmes et les filles qui ont été violées en raison de la honte encore associée aux violences sexuelles. D’après la Fondation du Dr. Denis Mukwege, les victimes sont considérées comme ayant perdu leur honneur aux yeux de leurs familles, et donc perdent souvent leur emploi ou revenus en conséquence. Par exemple, en République démocratique du Congo, les victimes sont ostracisées par leurs clients, qui ne veulent plus leur acheter des fruits ou légumes dans leurs marchés.[27] Cette ostracisation affecte aussi les hommes, surtout lorsqu’ils ont été agressés par d’autres hommes, et aussi les enfants nés d’un viol. Le recours au viol comme arme de guerre menace aussi la paix de l’État affecté : le plus souvent les violences sexuelles commises dans ces contextes de guerre à grande échelle et de manière systématique aboutissent à des États dysfonctionnels, avec des institutions et systèmes judiciaires affaiblis. L’incapacité ou la réticence d’un gouvernement à protéger les civils rend plus difficile la reconstruction de l’État après une guerre, surtout car des générations entières seront déstabilisées et ne feront plus confiance à l’État.[28] Ceci explique la nécessité d’adopter des conventions internationales pour criminaliser les violences sexuelles, et ainsi protéger les civils et victimes en cas de conflit armé.
III. LE RAPPORT ENTRE LES VIOLENCES SEXUELLES ET LE DROIT INTERNATIONAL
A. Les violences sexuelles : un crime du droit international humanitaire
Le DIH interdit absolument et en tout temps toutes formes de violences sexuelles envers quiconque. En effet, plusieurs dispositions abordent directement ou indirectement la problématique des violences sexuelles :
- L’article 46 de la Convention de la Haye II de 1899 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, ainsi que l’article 46 du Règlement de la Convention de la Haye IV de 1907 affirment que l’honneur et les droits de la famille de la population vivant en territoire occupé doivent être protégés.[29]
- L’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949, seule disposition conventionnelle applicable dans la majorité des conflits armés non internationaux actuels, ne fait pas mention explicite de l’interdiction de commettre des violences sexuelles et prohibe simplement « les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements inhumains ou dégradant ».[30]
- La Convention de Genève III de 1949 sur les prisonniers de guerre prévoit quant à elle simplement que « les femmes doivent être traitées avec tous les égards dus à leur sexe » (article 12).
- La Convention de Genève IV de 1949 utilise le terme de « viol » pour la première fois et prévoit que « les femmes seront spécialement protégées contre toutes atteinte à leur honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur » (article 27).
- L’article 75 du premier Protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève déclare que sont prohibées « les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements inhumains et dégradants, la prostitution forcée et toute forme d’attentat à la pudeur ».[31]
- L’article 4 du deuxième Protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève est plus précis en prohibant « les atteintes à la dignité de la personne, notamment […] le viol […] et tout attentat à la pudeur ».[32]
La Cour pénale internationale (CPI) étend le champ d’application des violences sexuelles, ne s’appliquant pas seulement aux conflits armés internationaux, mais aussi aux conflits armés non internationaux. En effet, dans l’affaire Bosco Ntaganda du 4 janvier 2017, la Cour accepta de retenir des actes de viol et d’esclavage sexuel commis au sein d’un même groupe armé en tant que crime de guerre.[33] En l’espèce, des filles recrutées de force comme enfants soldats étaient sujettes à ces agressions par les forces patriotiques de libération du Congo, membre de l’Union des patriotes congolais.[34] Ainsi, n’importe quel individu commettant de tels crimes, que ce soit dans des conflits armés internationaux ou non, et contre n’importe quelle personne est susceptible d’être sanctionné par la CPI pour crime de guerre.
Cependant, comme l’affirme Gloria Gaggioli, le décalage entre les réalités du terrain et le droit « est un problème que ne sauraient expliquer d’éventuels vides ou incertitudes juridiques ».[35] Précisément, même si le DIH interdit formellement les violences sexuelles dans tous les conflits armés, les mécanismes d’application sont fragiles ou n’existent pas dans de nombreuses régions du monde. Ceci est par exemple illustré par l’absence de dispositions interdisant spécifiquement les violences sexuelles dans la plupart des traités relatifs aux droits de l’Homme.
B. Les violences sexuelles et les droits de l’Homme
Les normes du droit international des droits de l’Homme et le droit international pénal prévoient la responsabilité pénale individuelle des auteurs de crimes sexuels. Cependant, il y a un manque de dispositions interdisant spécifiquement les violences sexuelles dans la plupart des traités relatifs aux droits de l’Homme, qu’ils soient universels ou régionaux. Par exemple, la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes reste muette à ce sujet. Seuls « le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes » sont explicitement interdits.[36] Ainsi, il semble que le droit relatif aux conflits armés est plus explicite, spécifique et précis que les traités généraux relatifs aux droits de l’Homme en ce qui concerne l’interdiction des violences sexuelles.[37] On trouve deux exceptions à cette affirmation :
- Au niveau international : la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant, prévoyant que les États parties doivent protéger l’enfant contre toutes formes d’exploitation sexuelle et de violences sexuelles, notamment en adoptant les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées.[38]
- Au niveau régional : la Convention interaméricaine de 1994 sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme prohibe « la violence contre la femme », qui comprend non seulement la violence physique et psychologique, mais aussi les violences sexuelles, aussi bien dans la vie publique que dans la vie privée.[39]
C. Les violences sexuelles : crime contre l’humanité ou génocide ?
Qu’en est-il de la considération des violences sexuelles en tant que crime contre l’humanité ou génocide ? En ce qui concerne les crimes contre l’humanité, il est d’abord important de préciser que ces crimes peuvent être commis en temps de paix, et donc en-dehors des conflits armés. Les statuts du TPIY et du TPIR considèrent explicitement le viol comme un crime contre l’humanité, lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée contre la population civile.[40] Ces deux tribunaux ont joué un rôle essentiel en créant des précédents dans les poursuites et sanctions pour violences sexuelles liées aux conflits armés. De même, le Statut de Rome de la CPI identifie les actes de viol, d’esclavage sexuel, la prostitution, les grossesses forcées, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle comme pouvant constituer un crime contre l’humanité.[41] Cette qualification de « crime contre l’humanité » permet l’activation de la compétence de la CPI, mais aussi de celle des tribunaux nationaux des États parties. Par exemple, les actes de violences sexuelles commis dans le cadre d’attaques généralisées contre des civils en Côte d’Ivoire peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité et poursuivis en tant que tels.[42]
Certains auteurs classent aussi les violences sexuelles comme un élément déterminant du crime de génocide surtout lors de cas de viols de masse et de viols collectifs perpétrés contre les membres d’un groupe visé avec une intention génocidaire. Par exemple, MacKinnon soutient fermement que le viol est un procédé qui, en passant par les femmes, vise à détruire l’ensemble d’un groupe ethnique.[43] Amnesty International est en accord avec cette idée, et considère que le recours au viol en temps de guerre n’est pas un dommage collatéral des conflits armés, mais une stratégie militaire délibérée et préparée.[44] Ces viols massifs, tels que ceux survenus au Rwanda, Libéria, Soudan, Ouganda et au Congo, servent deux objectifs. Le premier étant de semer la terreur chez la population civile, dans l’intention de forcer les groupes à fuir en abandonnant leurs biens ; et le second d’affaiblir les perspectives d’un retour ou d’une reconstitution du groupe visé après lui avoir infligé des humiliations et déstabilisé sa cohésion sociale. Dans ce sens, le viol et d’autres violences sexuelles se prêtent bien aux opérations de « nettoyage ethnique » et de génocide.[45] D’autres auteurs déclarent que le caractère génocidaire réside dans la grossesse forcée et non dans le viol lui-même : selon Bisaz, « le viol répété des victimes est seulement un viol alors que la volonté de féconder les victimes est un processus plus grave ».[46]
Conclusion
Pour conclure, le DIH joue un rôle très important dans l’interdiction des violences sexuelles dans les conflits armés, qu’ils soient internationaux ou non, surtout par les Conventions de Genève. Le droit international pénal permet aussi la poursuite et la condamnation des individus infligeant des violences sexuelles aux civils durant les guerres – que ce soit par l’imposition de sanctions pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide. Ces normes de droit international sont absolument indispensables pour améliorer la protection des femmes et des civils, surtout dans les conflits modernes, puisque le recours aux violences sexuelles durant les conflits armés présente de profondes conséquences à long terme sur ses victimes, ainsi que sur la société de l’État concerné.
Lorena KLAUSMEIER
Membre de l’ADHS
Bibliographie
Arrêts
- Le Procureur c. Jean Paul Akayesu [1998] 96-4, Tribunal pénal international pour le Rwanda.
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[1] Le Procureur c. Jean Paul Akayesu [1998].
[2] Le Procureur c. Jean Paul Akayesu [1998].
[3] Le Procureur c. Jean Paul Akayesu [1998].
[4] Gaggioli, 2014.
[5] Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
[6] Conventions de La Haye de 1899 et 1907.
[7] Commission instituée en vue de constater les actes commis par l’ennemi en violation du droit des gens, 1915.
[8] Rivière, 2015.
[9] Rivière, 2015.
[10] Rivière, 2015.
[11] Scharf, 2024.
[12] Rousselot, 2019.
[13] Xingzu, Shimin, Yungong & Ruizhen, 1996.
[14] Sander and Johr, 1992.
[15] Chiasson, 2015.
[16] Rwagatare & Brackelaire, 2015.
[17] Drumbl, 2012.
[18] Tribunal pénal international pour le Rwanda, 1996.
[19] Bassiouni & McCormick, 1996.
[20] Trial International, 2020.
[21] Trial International, 2020.
[22] Crowe, 2013.
[23] Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, 1996.
[24] Becirevic, 2014.
[25] Smith-Spark, 2004.
[26] Hazan, 2004.
[27] Mukwege Foundation, 2018.
[28] Nations Unies, 2023.
[29] Convention de la Haye II.
[30] Convention de Genève de 1949.
[31] Premier Protocole additionnel de 1977.
[32] Deuxième Protocole additionnel de 1977.
[33] Matringe, 2023.
[34] Le Procureur c. Bosco Ntaganda [2017].
[35] Gaggioli, 2014.
[36] Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
[37] Gaggioli, 2014.
[38] Convention relative aux droits de l’enfant.
[39] Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme.
[40] Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie & Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda.
[41] Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
[42] Amnesty International, 2011.
[43] MacKinnon, 2006.
[44] Smith-Spark, 2013.
[45] Leaning, Martin, Tirman, Bartels & Mowafi, 2009
[46] Bisaz, 2012.
